Lorsque nous voyageons à travers la vie, les miracles se rappellent à nous surtout par leur absence. Sont-ils des essences trop rares ou alors tellement communes que nos regards de voyageurs distraits ne s'y accrochent plus ? Ne nous manque-t-il pas un sentiment de gratitude à même de nous ouvrir les yeux ?

A.*, en perdition, est arrivé il y a plus d’une année en provenance d'une autre école qui avait éludé de manière persistante ses problèmes d'apprentissages. A l’école «La Garanderie», nous avons dans un premier temps fait des test de connaissances et de capacités qui montraient d’une part une manière différente de traiter les informations et d’autre part un très grand retard dans les acquis scolaires. Pendant près d’une année, nous avons du nous armer de patience et de bienveillance pour avancer en français et en mathématiques et cela à très petits pas. Une analyse bâclée de la progression aurait du nous amener à la conclusion simple d’une insuffisance intellectuelle très significative avec pour conséquence logique d’avoir à cantonner A. dans un programme de bas niveau. A. avait été convaincu de ses propres limitations par la précédente école et acquiesçait volontiers, puisqu’il faisait l’expérience tous les jours de ses insuffisances. Après une année de travail lent, mais avec un souci de structuration, une visée plus large, mais surtout une bienveillance à toute épreuve, un déclic s’est produit. A. a été surpris de lui-même de réussir à entrer en autonomie, à comprendre les problèmes de mathématiques de mieux en mieux et à faire l’expérience, tellement stimulante pour l’esprit, du succès personnel. Les processus cognitifs se sont instantanément débloqués et se sont très progressivement relâchés, comme un muscle qui se détend après une crampe douloureuse. Progressivement, les apprentissages scolaires se sont structurés en prenant du sens. Il était dès lors possible de mettre l’élève au centre de sa propre progression, en devenant par la même un acteur de ses succès. 

Il est stupéfiant de lire dans le regard de A. qu’il se sent à nouveau capable, avec une jouissance plus régulière de ses réussites. Encore plus important est le constat émerveillant que l’échec n’est plus la marque d’une incapacité et d’une voie sans issue, mais bien plus une opportunité de chercher des solutions pour mieux avancer. Il est enthousiasmant d’observer que les capacités cognitives, si elles sont désentravées, se développent naturellement d’elles-mêmes et à grande vitesse. Son intelligence était en sommeil, bridée par la certitude d’une incapacité indépassable, et se réveille progressivement. Briser la confiance d’un enfant est chose facile, la restaurer ou la renforcer est une affaire complexe.

Merci à A., d’avoir partagé ce miracle avec nous et de m’avoir rappelé chaque jour à mon devoir d’enseignant, celui de proposer une reconstruction de la confiance en prodiguant bienveillance et empathie.

Ramiro Conde

* pour des questions de confidentialité les prénoms de nos élèves ne seront jamais mentionnés et la lettre utilisée résulte d'un choix aléatoire.